Venise Mon Amour

Je me demandais comment les Vénitiens géraient une visite officielle à Venise, avec tous ces touristes. 
J'en ai trouvé un exemple. Le 8 mai 2011, le pape Benoît XVI a fait une visite pastorale à Aquilée et à Venise. C'était  une belle journée ensoleillée, mais très venteuse, en fin d'après-midi.

Dans un premier vidéo, on voit le pape arriver en motoscafo, longeant le bassin de San Marco, passant devant les Giardini, pour débarquer au môle de San Marco, où il prononce un discours. Après son discours, il est promené dans une petite papamobile, probablement électrique, autour de la place San Marco, puis il pénètre dans la Basilique, entièrement vide. Sur le porche, alors qu'il entre et qu'il embrasse d'un coup d'oeil la splendeur, illuminée pour la circonstance, des parois dorées de l'église du XIe siècle, le pape s'arrête de stupeur devant ce chef d'oeuvre d'art byzantin. On le voit lever les bras et les laisser retomber, vaincu par tant de chaleur mystique.


Ce geste a dû être aussi celui du peintre Pierre-Auguste Renoir, en 1881, lorsqu'il peignit la basilique. Ambroise Vollard, dans sa biographie de Renoir cite ces paroles du peintre : « Et la basilique de Saint-Marc, voilà qui m'a changé des froides églises italiennes de la Renaissance, et surtout de cette cathédrale de Milan, dont les Italiens sont si fiers, avec son toit en dentelle de marbre, des bêtises, quoi!... À Saint-Marc, et dès l'entrée, on sent qu'on est dans un véritable temple; cet air doux et tamisé, et ces magnifiques mosaïques, ce grand Christ byzantin, avec un cerné gris! Impossible de soupçonner, lorsqu'on n'est pas entré dans Saint-Marc combien c'est beau, les piliers lourds, les colonnes sans moulures..»


Benoit XVI, qui contemple tous les jours de sa fenêtre la fière colonnade du Bernin, place Saint-Pierre, et vit au milieu des ornements grandioses, monumentaux, magnifiques de la basilique Saint-Pierre, comme seule la Contre-réforme pouvait les concevoir et à laquelle les plus grands artistes de la Renaissance ont contribué, de Bramante au Bernin, en passant par Michel-Ange et Raphael, Benoit XVI en a les bras ballants. Il s'agit décidément d'une autre spiritualité!

Le recueillement dans la lumière tamisée qui avait séduit Renoir, pour qui la lumière surtout comptait, des projecteurs l'ont fait disparaître aux yeux médusés du pape. Un prie-dieu l'attend au pied du maître-autel, mais il est trop tard. L'atmosphère anti-classique de la spiritualité byzantine, la spiritualité des églises grecques d'orient, qui ont conçu cette pénombre dorée, est dissipée. Le protocole aura eu raison de la chaleur mystique... Le pape a-t-il eu le temps de penser à son rêve oecuménique et de rêver de l'époque où les foyers du monde chrétien se nommaient Byzance, Éphèse, Antioche, Jérusalem, Alexandrie... ? Peut-être.

Dans un second vidéo, au terme de sa visite, on voit le pape arriver à ce même môle et se diriger vers la Basilique, y prononcer son discours pastoral de clôture, puis se diriger de nouveau vers le môle, y embarquer dans une gondole d'apparat blanche avec intérieur hyper-décoré baroque rouge et or. La gondole papale, menée par quatre gondoliers habillés de blanc et sans leur canotier traditionnel, se dirige vers Santa Maria della Salute.


Il faudra une petite demi-heure pour se rendre, en cortège : trois gondoles devant, trois gondoles derrière, une gondole de chaque côté, remplies d'officiels, d'évêques et de cardinaux. Je remarque les petits motoscafi de la police de Venise, habiles à se retourner sur l'eau. Quelle joie que de revoir ces lieux familiers, ces marches vers l'église conçue par Longhena sur des plans de Palladio !

Puis le pape entre dans l'église Santa Maria della Salute. À part les officiels et les invités, il n'y a pas une énorme foule, mais c'est impossible, car l'eau empêche la circulation facile et rapide. Benoît XVI y présente avant son départ un ultime discours offert au monde de la culture et de l'économie.  Le texte de son discours, axé sur trois mots liés à l'histoire de Venise : "Aqua", "Salute", "Serenissima", est ici.

Lien pour la visite de Benoît XVI  à Venise.