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« La fille du pêcheur à Burano »

Le 24 août 1824, un jeune poète allemand de 28 ans arrive à Venise en provenance de Trieste : c'est August von Platen, plus exactement Graf August von Platen Hallermünde, un grand admirateur de beauté classique, auteur d'hymnes pindariques sur lesquels Jean Giraudoux écrira son mémoire de licence en 1905. Il n'aimait guère les Romantiques ses contemporains, sauf Schelling. Thomas Mann confessera en 1912 qu'il lui doit le sujet de La Mort à Venise. À Venise, il demeura deux mois, se promena beaucoup, tint son journal, composa des sonnets et visita toute la lagune. À Burano, il eut l'idée d'une idylle à la façon de Théocrite, dont voici une traduction. C'est la dernière pièce de son recueil Églogues et Idylles de 1834.

Maillez bien les filets, ô mes soeurs ! Mon bien-aimé en aura besoin
Ce jour encore, sitôt que sa barque aux ailes de toile sera de retour.


Mais pourquoi tarde-t-il tant ce jour ? Voilà que la lagune flue
Déjà, et que le vent se lève sur ce haut lieu éclatant de Venise,
S'élevant du sein de l'eau, alors que déjà s'abattent les nuées du soir.
Vers l'Orient en direction d'Altino s'en est allé ce jour son bateau,

Là où autrefois tomba en ruine cette populeuse cité maritime. 
Bien des fois on en rapporte des pièces d'or et des pierres précieuses,
En y jetant ses filets ainsi que le racontent les vétérans pêcheurs :
Oh! puisses-tu, mon bien-aimé, y faire toi aussi quelque trouvaille !


Qu'il doit donc être beau de pêcher le soir venu lorsque la lagune
est rayée d'éclairs et qu'étincellent des algues au filet scintillant,
Chaque rêt comme de l'or et les poissons qui frétillent semblent dorés; 
Mais le jour de fête où tu restes à demeure est tout ce que je préfère.
La gaillarde jeunesse déambule alors sur la place fréquentée,
Chacun en grand habit, nul n'égalant mon ami en beauté ni en modestie.
Combien de fois n'y avons nous écouté le conteur, soit qu'il récite
Les paroles des saints, soit encore les paroles du pieux Alban
Qui bienfaiteur du lieu possède dans notre église son portrait.
C'est ainsi que quand jadis les marins rapportèrent ici ses ossements,
Ils ne purent en hisser au rivage le cercueil tant il leur parut lourd;
Et longtemps les hommes les plus forts au travail en vain s'y essayèrent
Qui découlant de sueur se virent finalement devoir tous y renoncer.
Mais voici que des enfants aux têtes bouclées arrivèrent
Qui comme pour jouer prirent la corde et tirèrent le cercueil 
Aisément sur la berge, sans nulle peine, avec le sourire gracieux.
C'est ce que raconte le savant vieillard qui bien des fois raconte
En plus, des histoires profanes, comme l'enlèvement des Vénitiennes
Qui se rendaient à olivolo pour la joyeuse fête de leurs noces :
Chacune des fiancées portant sa dot dans un joli coffret
Comme l'entend la coutume. Mais hélas ! cachée dans des roseaux
Guette une bande de pirates ; acteurs audacieux de méfaits
Qui d'un coup s'élançant s'emparent des jeunes filles tremblantes
Et les traînent toutes à leur bateau en fuyant à vives rames.
Mais tandis que déjà de partout Venise résonne de cris horrifiés,
Déjà les jeunes gens en foule se précipitent armés dans les navires
Avec à leur tête le doge. Et rejoignant bientôt les ravisseurs
Bientôt, après un viril combat, rentrant triomphalement,
Ils ramènent dans la ville en liesse les fiancées délivrées.
Ainsi parle le vénérable vieillard, et mon bien-aimé l'écoute,
Alerte et svelte, prêt à refaire ces exploits comme par le passé.
Souvent aussi mon ami me mène à la rame jusqu'à la proche Torcello :
Il me raconte qu'autrefois des habitants se trouvaient pulluler
Là où, dans la solitude désormais, des canaux d'eau salée
Traversent des champs pleins de limon, mêlés à la vigne féconde.
Il me montre cependant le dôme et le siège en granit d'Attila,
Sur la place désertée avec son vieil hôtel de ville éboulé,
Où le lion ailé de pierre comme aux jours de ce temps aboli
Se dresse, lorsque saint Marc régnait sur ces lagunes :
Tout ceci, mon ami me le conte, comme son père le lui a conté.
Puis au retour il va ramant me chantant quelque chanson locale
Que ce soit « Ravissante petite rose » ou « Dans la gondole la Blonde ».
Ainsi se passe pour nous dans la joie ce jour splendide de fête. 


Maillez bien les filets, ô mes soeurs ! Mon bien-aimé en aura besoin
Ce jour encore, sitôt que sa barque aux ailes de toiles sera de retour.
« La fille du pêcheur à Burano » (1833). Extrait de August von Platen, Églogues et Idylles, trad. de l'allemand, présenté et annoté par Dominique le Buhan et Eryck de Rubercy, Éditions de la différence, coll. «Le fleuve et l'écho», 2002, p, 88-98.
  1. Intéressant que vous ayez choisi une figure de la poésie européenne aussi méconnue que Platen. Qu'est-ce qui vous intéresse au juste ? Le fait qu'il ait écrit une idylle à la façon de Théocrite ?

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