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Un entretien avec Donna Leon

Donna Leon parle de Venise...
à l'occasion de la publication de la 20e enquête du Commissaire Brunetti.
Article dans Le Devoir de Montréal

Donna Leon, la Vénitienne «écopessimiste»
22 mars 2014 | Michel Bélair | Livres

Photo : Agence France-Presse (photo) Gabriel Bouys

La romancière américaine Donna Leon vit à Venise depuis plus d’un quart de siècle. Elle publie ces jours-ci son 21e roman en français : Deux veuves pour un testament, la vingtième enquête du commissaire Guido Brunetti. Ce sera pour lui l’occasion de plonger dans un autre dédale de fausses vérités et, pour l’auteure, de développer encore ses deux principaux personnages : Brunetti et Venise. Rencontre avec une « écopessimiste ».

Zurich — C’est à Zurich, une heure à peine avant qu’elle assiste à une représentation d’Aïda à l’Opernhaus, que nous nous rejoignons finalement : Donna Leon est une femme occupée et elle voyage beaucoup. Passionnée de musique — « toutes les formes de musique classique, mais surtout la musique baroque » —, elle a même signé un livre « sans Brunetti » (Les joyaux du paradis, Calmann Lévy) à partir d’une idée de la cantatrice Cecilia Bartoli, qui lui disait souhaiter remettre à l’honneur Agostino Steffani, un compositeur baroque malheureusement oublié.

Mais il sera peu question de musique — à peine le temps de souligner encore son attachement pour un petit ensemble baroque (Il Pomo d’Oro, pour lequel elle écrit des textes) et la parution prochaine d’un livre sur les chants des gondoliers de Venise. Rapidement, nous nous mettons plutôt à parler de Brunetti, et surtout de la menace qui plane sur la Sérénissime…

Un pari risqué

Le « monde » de Brunetti s’est mis à prendre beaucoup d’ampleur au cours des années. Vingt romans traduits — Donna Leon raconte qu’elle vient de terminer la 24e enquête et que le sujet de la 25e est déjà trouvé — en une vingtaine de langues et plusieurs millions d’exemplaires. Un livre de recettes (Brunetti passe à table, Roberta Pianaro, Calmann-Lévy) regroupant les plats cuisinés pour sa petite famille par Paola, l’universitaire de femme de Brunetti, et les repas vénitiens que le commissaire se tape au resto. Un guide de tourisme (Venise sur les traces de Brunetti, Tony Sepeda, Calmann-Lévy), un incontournable qui propose 12 trajets empruntés par Brunetti à travers la ville. Sans oublier une série télé, Commissaire Brunetti, réalisée par une équipe allemande et diffusée déjà en plus d’une douzaine de pays, dont le Québec la saison dernière.

Et pourquoi Venise ? Donna Leone répond sans hésiter. « J’ai été séduite par Venise lors d’un premier passage en 1965, mais j’ai mis plusieurs années avant d’y revenir et de m’y installer. Je ne pourrais pas écrire sur une autre ville, mais pas pour les raisons auxquelles on penserait d’abord. Venise est en fait la seule ville dans laquelle j’aie habité vraiment. […] Professeure de littérature, je me suis mise à prendre des contrats de courte durée un peu partout ; c’est ce qui me définit comme une “mercenaire universitaire”. J’ai fait des séjours en Chine, en Angleterre, en Suisse. Même en Arabie saoudite, en croyant que les sous que j’allais faire là me feraient oublier tout le reste… ce qui n’était pas une très bonne idée. Puis, après un séjour de presque quatre années à Ispahan, en Iran, d’où j’ai dû déguerpir en vitesse en 1979, j’ai décidé de m’installer à Venise et de rejoindre les amis que je m’étais faits là. C’est donc la seule ville que je connaisse vraiment. »

Et quelle ville, oui ! Édifiée, dès l’an 700, sur deux ou trois forêts de pilotis enfoncés dans la vase afin de réunir un chapelet de petites îles entourées de marais au milieu d’une lagune, Venise a toujours été un pari risqué. Ce qui ne l’empêcha pas de devenir le centre du monde durant plusieurs siècles, jusqu’à son déclin au XVIe. Plus que millénaire, ville de pouvoir et d’opulence, Venise est un musée à ciel ouvert, une ville de culture où surgissent sans arrêt, au détour des ponts et des canaux, des labyrinthes de beautés en tous genres.

Mais Venise est aussi une ville qui croule sous le poids des hordes de touristes. C’est la Venise qui sent mauvais, sale, vulgaire. La Venise de pacotille avec ses milliers de stands vendant des quétaineries sans nom. Où l’on ne peut plus trouver une simple pizzeria qui n’appartienne pas à un Asiatique. Venise qui compte de moins en moins de Vénitiens. Et Venise qui s’enfonce inexorablement dans la vase tout autant que dans la corruption.    

Voilà la ville qu’arpente Brunetti tous les jours, symbole même de l’humaniste tentant de trouver des réponses alors que le monde s’écroule autour de lui. Cette vingtième enquête du commissaire nous fera plonger à la fois dans les méandres subtils qu’emprunte parfois la corruption à la Vénitienne et dans une fine analyse des motivations profondes poussant les humains à agir. Ou pas.

La menace

Donna Leone avoue apprécier grandement la compagnie de Guido Brunetti. C’est un honnête homme, comme on disait à une certaine époque. Personnage complexe, lucide, cultivé, philosophe dans l’âme, il est amateur de textes anciens et la beauté de Venise parvient la plupart du temps à lui faire oublier la turpitude qui l’entoure.

« J’ai beaucoup de plaisir à voir évoluer ce personnage, autant dans son travail à la questure de Venise que dans son petit cercle familial. Cela me permet de mettre en scène différents éléments de la vie quotidienne des Vénitiens et de placer Brunetti face à une société qui globalement s’enlise sous son propre poids. À Venise, les histoires ne manquent pas, il suffit de lire les journaux tous les jours pour s’en rendre compte : il y a du matériel pour de longues années à venir encore. Et, oui, je continuerai à faire vivre de nouvelles enquêtes à Brunetti tant que j’y prendrai autant de plaisir. »

Mais la romancière parvient difficilement à réprimer un léger soupçon d’exaspération au fond de sa voix en poursuivant sa réflexion sur le sort qui menace la Sérénissime…

« Même si Venise est toujours la plus belle ville du monde, comme le dit Brunetti, il est devenu très difficile d’y vivre ; chaque année, c’est pire. La ville s’est déjà vidée de la majorité de ses habitants, chassés par la présence des envahisseurs : il est de plus en plus évident que ça ne pourra pas durer comme ça. […] J’ai pris l’habitude de m’y promener la nuit, quand tout est fermé : Venise est alors encore plus somptueuse, encore plus tragiquement belle qu’elle ne l’a jamais été… Mais je suis devenue écopessimiste avec le temps. Surtout en voyant l’inconscience des hommes en général, et des Italiens en particulier, qui ne font rien pour enrayer la menace : chaque fois qu’on semble vouloir faire quelque chose, quelqu’un en profite pour se remplir les poches… Je ne pensais pas cela il y a 15 ans à peine, mais maintenant c’est inévitable : d’ici quelques dizaines d’années, toutes les grandes villes situées près des océans s’enfonceront sous les eaux, Venise y compris. Heureusement, mon âge m’empêchera de voir ça… »



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Sebastian
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