Le jeune poète allemand August von Platen, dont j'ai déjà publié l'idylle de Burano ici, a fait cinq séjours à Venise entre 1824 et 1834. De son séjour de l'été 1824, qui dura deux mois et demi, il dit qu'il n'arrivait pas à quitter Venise. Il en rapporta dix-sept « Sonnets vénitiens ». L'un d'eux fut composé après avoir vu un tableau du Titien : Saint-Jean au désert, à l'Accademia.
Le 18 octobre, il note dans son journal : « Aujourd'hui, j'y suis resté presque plus longtemps que devant son Assomption [aux Frari], devamt le Saint-Jean au désert du Titien, tableau qui est la force, la vérité et la beauté même.» Voici le sonnet qu'il composa.
Sonnet XII : Zur Wüste fliehend vor dem Menschenschwarme.
Fuyant au désert devant la rumeur des hommes,
Se tient ici Saint-Jean, pour, en des sphères plus pures,
Transfigurer l'âme par la solitude,
Cette grande âme et suprême et chaleureuse de Dieu.
C'est plein d'enthousiasme et de chagrin sacré
Que son éternel et grave regard brille de larmes,
Et c'est vers lui qui va naître de Marie,
Qu'il semble faire signe de son bras levé.
Qui pourrait se détourner de ce tableau,
Et qui ne voudrait en des gestes ardents,
Révérer Dieu dans le coeur du Titien ?
O Age d'or, qui n'est maintenant plus en marche,
Quand l'art pouvait encore enseigner le monde
Et quand la beauté seule était sacrée sur terre !
August von Platen, Sonnets d'amour et sonnets vénitiens
Trad. de l'allemand et présentation par Dominique Le Buhan et Eryck de Rubercy
Orphée - La Différence, 1993.
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Intéressant ! Vous devriez continuer le blog dans cette voie : les voyageurs et leur façon de réagir à Venise. Nietzsche, par exemple...